AUTOMNE-HIVER 2023/24
... ET LES ARTISTES
HAUTE COUTURE AUTOMNE-HIVER 2023/24
« Chaque esprit se construit une maison, et au-delà de sa maison, un monde, et au-delà de son monde, un ciel. Sachez donc que le monde existe pour vous : construisez donc votre propre monde. »
Ralph Waldo Emerson
... ET LES ARTISTES
HAUTE COUTURE AUTOMNE-HIVER 2023/24
Après la saison passée, où il s’agissait de réduire chaque look à quelque chose de concis et parfois même de saisissant mon instinct m’a poussé à construire la collection d’une manière différente, pour une collection qui explore et qui ose. Une collection plus organique, plus sensuelle, plus impromptue. J’ai trouvé la liberté dans des pièces isolées - une chemise blanche, un pantalon parfait, d’énormes manteaux bouffants et même des basiques en tricot comme des cardigans et des jupes tubulaires. Je voulais créer une garde-robe impossible - impossible non pas parce qu’elle n’est pas portable, mais parce qu’elle est extraordinaire, une interprétation surréaliste de la garde-robe essentielle d’une femme. Il y a un sentiment de liberté, de désobéissance ; ce sont des pièces qu’une femme peut assembler comme elle le souhaite ; ce sentiment de transgression et de spontanéité qu’elle devrait éprouver lorsqu’elle le fait est un sentiment que j’ai également ressenti lorsque je les ai dessinées - la plupart des “looks” que vous voyez ici ont été conçus dans les jours qui ont précédé cette présentation, par opposition à des formules faites de silhouettes prédéfinies qui ont été travaillées pendant des mois. Cette approche m’a fait l’effet d’une révélation.
Tout est lié à la relation historique de Schiaparelli avec l’art et les artistes - leur audace, leur couleur, leur processus. Plus que toute autre Maison, Schiaparelli a toujours été en conversation avec l’art : une forme d’art dialoguant avec et inspirée d’une autre. Dans cette collection, chaque pièce a été directement ou indirectement inspirée par un artiste, qu’il soit de l’époque d’Elsa, du milieu du siècle ou de la nôtre. Nous avons peint un corps humain à la manière de Lucien Freud, puis nous l’avons démonté trait par trait, en recroisant chaque coup de pinceau sous forme de milliers de sequins Les mosaïques de miroirs du sculpteur Jack Whitten ont donné naissance à un cardigan et à une jupe en stretch à miroir brisé. Un étui à cigarettes en cuir qui orne une jupe-robe de bal est un hommage à Sarah Lucas, et les perles et poudres d’un bleu profond qui recouvrent une multitude de surfaces sont un clin d’œil à Yves Klein, mais aussi aux illustrations de Miro pour les enfants. Ailleurs dans la collection, on trouve des hommages à Dali - ces levers de soleil surréalistes qui donnent naissance à une multitude de dégradés de couleurs vibrantes -, à Matisse (pas son œuvre, mais les palmiers de l’hôtel Regina, désormais habillés de shearling noir à poils longs comme une fantastique fausse fourrure), et même une Vénus en marbre blanc qui s’est frayée un chemin sur un manteau d’hiver en melton blanc. Même les murs du studio londonien de Lucian Freud ont inspiré le chaos dramatique d’un coup de pinceau sur un pull blanc laminé surdimensionné. Cette collection a été fortement inspirée par l’agonie et l’extase de la création, tout en offrant des vêtements qu’une femme aimera toute sa vie.
Cette combinaison de transgression et d’esprit s’étend également aux accessoires de la saison : les sculptures monumentales de Giacometti sont réinterprétées ici sous la forme de minces gouttes d’or recouvertes de pierre, ce qui ouvre un nouveau chapitre de la bijouterie. Les moulures bien-aimées de Claude Lalanne ont inspiré des broches et des manchettes massives, pour lesquelles j’ai utilisé mes propres plantes d’intérieur : je coupais une feuille, je l’apportais, et je la faisais couler en métal, en y imposant les visages de nos artisans de l’atelier. Il y a aussi des montagnes de bijoux en bois - une première pour nous. Des mains en ronce, des homards blancs en plâtre et la colombe de l’Inauguration, notre symbole et notre promesse d’espoir, trempée dans une feuille d’or 24 carats.
Notre nouveau sac Schiap est lui aussi repensé, soit peint à la main en alligator multicolore, soit enfoui sous des piles de perles de bois, soit sa technique “trapunto” caractéristique est reprise par des fils blancs de perles de plâtre et de mètres ruban en perles de verre. Les chaussures-orteils et les chaussures en trou de serrure sont réduites à leur plus simple expression, avec le mètre ruban emblématique de la Maison qui court le long de la jambe, un détail que nous reprendrons dans les futures lignes de chaussures.
Nous vivons et créons de la mode à une époque où la créativité, les buzz et les dernières folies des célébrités nous parviennent chaque semaine, chaque jour et, désormais, chaque heure. Certains d’entre eux ne sont même pas issus de mains ou d’esprits humains, et la plupart seront oubliés dès demain. C’est pourquoi j’ai voulu que cette collection soit si profondément, indiscutablement humaine - et qu’elle soit enracinée dans des références artistiques intemporelles. S’habiller, décorer, mais surtout créer relève d’un instinct primitif.
Face à l’inconnu, lorsque l’expression créative et la célébrité semblent accessibles à tous, même pour un court instant, nous nous interrogeons : qu’est-ce qui peut percer ? Pour notre Maison, c’est la puissance du design, la puissance de nos artisans et la puissance de la main de l’homme au travail.
Daniel Roseberry